International
Conflit israélo-palestinien : quel rôle joue le Hezbollah ?
Michel Rouhban, délégué des Français de l’étranger pour la circonscription du Liban et de la Syrie nous propose un retour historique sur l’omniprésence du Hezbollah au Liban ainsi que dans le conflit entre Israël et la Palestine.
L’histoire du Moyen-Orient, dans lequel se situe le Liban, même si elle se révèle parfois explosive, comme depuis trois semaines, s’inscrit dans le temps long… Pour mieux comprendre l’omniprésence du Hezbollah au pays du Cèdre, il faut remonter à l’origine de la création de cette milice en juin 1982 et plus particulièrement à un épisode de la guerre « civile » du Liban au cours duquel l’armée israélienne envahit le pays du cèdre.
Je parle toujours de la guerre « civile » libanaise avec des guillemets, car elle fut une guerre au Liban, mais n’était certainement pas QUE civile, au vu et au nombre de tous les intervenants qui se sont mêlés de ce conflit, que ce soit de l’extérieur ou à l’intérieur, par leurs interventions, leurs pressions, leurs présences ponctuelles ou leurs occupations pérennes.
Nom de code de cette opération israélienne : « Paix en Galilée ».
Déjà à cette époque, il y a plus de 40 ans, le but déclaré de cette invasion israélienne du Liban, est de faire cesser les attaques palestiniennes de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) lancées depuis le sud du pays. Le 6 juin 1982, lorsque l’armée israélienne franchit la frontière libanaise, elle y a installé sur le territoire libanais plus de 150 000 combattants appartenant à de multiples factions issues de plus de dix-huit nationalités : Phalanges, Parti socialiste progressiste, Amal, Organisation de libération de la Palestine, etc., le tout déployé sur un territoire équivalent en superficie au département de l’Hérault en France.
Le Hezbollah n’est encore qu’une organisation embryonnaire, issue de la volonté du tout nouveau régime des Mollahs Iraniens qui, en place depuis la révolution islamique de 1979, cherche déjà à accroitre son poids régional et à fédérer au Liban la communauté musulmane chiite.
Le premier fait d’arme du Hezbollah est l’attentat du 23 octobre 1983, qui tue le même jour, en deux points différents de la capitale libanaise, 241 soldats américains ainsi que 58 parachutistes français. Nous commémorions lundi dernier, dans un devoir de mémoire et devant le monument aux morts situé dans les jardins de la résidence des pins, chancellerie française, cet attentat du Drakkar.
À l’époque et très vite, les services de renseignements militaires libanais, syriens, israéliens, américains et français avaient désigné le « Parti de Dieu » comme exécutant de cet acte de terreur innommable, tuer des soldats dans leur sommeil, et pour commanditaire l’Iran. Déjà, la France, avec à sa tête François Mitterrand, n’avait pas jugé bon de réagir et d’éradiquer ce mouvement. Par lâcheté politique ou plutôt par calcul machiavélique, et ce, en relation direct avec le conflit irano-irakien. Et oui, à cette époque-là, la France soutenait Saddam Hussein et était, par l’intermédiaire de son soutien à l’Irak, déjà en conflit direct avec l’ayatollah Khomeiny guide suprême du peuple iranien…
Depuis, le Hezbollah n’a cessé de se développer, de grandir et d’accroitre son influence. Tissant sa trame petit à petit, tout d’abord comme milice armée et partie prenante de la résistance à l’occupation israélienne, qui durera plus de 20 ans et prendra fin en mai 2000 avec le retrait de toutes les troupes israéliennes du Liban. Par la suite, comme interlocuteur principal et défenseur des droits de la communauté chiite libanaise, partenaire du « dialogue national » avec, depuis le début des années 2000, des députés élus au parlement libanais.
En 2006, il affronte seul Israël et déclenche la guerre des 33 jours, dont le Liban subira les conséquences directes sur l’ensemble de son territoire : plus de 1 000 morts parmi les civils, bombardements systématiques et destructions d’infrastructures. En 2008, il affronte la police et le gouvernement libanais lors de la crise de mai. Depuis 2012, il participe avec l’Iran à la guerre civile syrienne et combat l’opposition syrienne à Bachar el-Assad et l’État Islamique. Présent au sein de la diaspora libanaise, le Parti de Dieu dispose aujourd’hui de nombreuses cellules clandestines partout dans le monde.
L’omniprésence du Hezbollah
Aujourd’hui et depuis maintenant plus de 15 ans le Hezbollah est devenu incontournable au Liban, les évènements que nous vivons actuellement en sont plus que jamais la preuve. Je compare souvent cette entité à un boa constricteur, qui a hypnotisé tous ses alliés par le biais de la corruption active ou passive et qui étouffe ses opposants par la force de ses anneaux, mais sans tous les tuer, pour prouver, s’il en est besoin, de sa magnanimité et de son sens du bien commun. De son sens du bien commun, mais je précise : si et seulement si celui-ci va dans le sens unique de ses intérêts.
Que ce soit en Syrie, en Iraq, au Yémen, au Soudan et dans de nombreux autres endroits du monde, l’omniprésence du Hezbollah n’est plus à démontrer. L’omniprésence du Hezbollah interdit toute enquête sur l’explosion meurtrière du port de Beyrouth le 04 août 2020. L’omniprésence du Hezbollah est pour beaucoup à l’origine de l’échec de l’initiative du président Macron au Liban, après cette explosion. L’omniprésence du Hezbollah est pour beaucoup à l’origine du blocage actuel des institutions libanaises et de l’impossibilité de parvenir à élire un président de la république. L’omniprésence du Hezbollah pèse déjà sur la maîtrise de l’escalade militaire israélienne à Gaza. L’omniprésence du Hezbollah pèsera dans la recherche d’une solution à deux états pour Israël et le peuple palestinien. L’omniprésence du Hezbollah est devenue inévitable, irrévocable et principale dans le destin du pays du Cèdre et nul ne sait à ce stade vers quelle destinée le parti de Dieu souhaite l’emmener…
Comme je vous l’ai dit précédemment et au risque de me répéter, tous les scénarios sont sur la table et ce qui est certain, c’est qu’au Liban tout peut changer en 30 minutes et que le pire n’est jamais décevant.
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