Société
[Larmes à gauche] L’ultra-giga-communisme de Nicolas Framont
Le rédacteur en chef de Frustration a récemment fait une proposition détonnante : le salaire universel à 2 600 euros.
Même les plus purs idéologues qui dominèrent l’URSS ne l’avait pas osée. Cette semaine, le rédacteur en chef du magazine d’extrême gauche Frustration propose une idée dont on ne sait si l’absurdité pratique l’emporte sur l’aveuglement égalitariste. L’idée, c’est « la rémunération égalitaire pour toute la population », autrement dit, « le salaire unique ».
L’étrangeté de la richesse pour Nicolas Framont
Malheureusement, par conviction sans doute, Livre Noir n’a pu se procurer le brillant – on n’en doute pas – article de Nicolas Framont : il aurait fallu pour cela lui donner de l’argent en achetant l’un de ces « mooks », puis devoir supporter la présence de cet objet démoniaque dans nos bureaux. Étant écolos, le gâchis de papier n’est pas non plus dans nos valeurs, mais rassurons-nous son auteur n’a pas manqué de nous gratifier d’un superbe fil sur X (ex-Twitter) pour tout nous expliquer. C’est sur cette base que nous étudierons la proposition du génial sociologue. Alors, que nous dit-on ?
Le problème originel, selon Nicolas Framont, c’est que les gens se posent les mauvaises questions comme : pourquoi augmenter les salaires ? Or, « Ce débat n’interroge jamais ce fait étrange : pourquoi certains gagnent beaucoup plus ? Et pourquoi ceux qui ont la meilleure espérance de vie (les cadres et professions intellectuelles) ont en plus de ça la meilleure rémunération pour mieux en profiter ? »
Étrange que certains gagnent beaucoup plus ? Logique plutôt, a priori : cela a toujours été comme cela à peu près depuis l’avènement de la monnaie dans les civilisations, et les exemples de répartition parfaitement égale des revenus ne se trouvent pas à la pelle, pour être gentil. Mais bon, admettons cette remise en question, tout comme celle – encore une fois, tombant largement sous le coup de la logique – concernant le lien entre espérance de vie et richesse. Le fait que l’on ait une meilleure espérance de vie serait-il corrélé à un meilleur revenu ? L’accès à une meilleure qualité de soins serait-elle, par miracle, liée à la capacité de payer ces meilleurs soins ? Ne nous acharnons pas, et laissons une chance à ces questionnements.
Pensée par l’absurde et par l’abstraction
Le raisonnement de Nicolas Framont est purement économique : n’existe que la matière, et la valeur d’un homme est définie par son salaire. Pour lui : « à gauche, la proposition radicale en la matière est de réduire l’écart à… 1 à 20. C’est énorme et c’est déjà le cas dans nombre de PME et la fonction publique, et c’est pour moi une défaite idéologique : on accepte l’idée selon laquelle on peut valoir 20 fois + qu’un autre. »
C’est ensuite que vient le pinacle, l’acmé, l’apogée, le sommet de la pensée framontienne : « Il est en fait impossible de justifier des écarts de rémunération. Le niveau de qualification ou le niveau de responsabilité ne suffisent pas et ne compensent pas, selon moi, la pénibilité ou une espérance de vie raccourcie. […] En l’absence de critère fiable, je prône l’égalité totale. Appliquée au secteur privé, cette égalité donnerait un salaire net à 2600euros par mois (moyenne actuelle des salaires) 71% des salariés actuels y gagneraient. »
Par où commencer ? Tout d’abord, il faut considérer que selon le rédacteur en chef de Frustration, rien ne justifie que l’on soit payé plus ou moins. Il n’existerait, en l’état actuel des choses, aucun critère fiable pour mesurer la valeur d’un salaire. Ni la quantité de travail, ni l’audace, ni la formation, ni l’expérience, ni la qualité du travail produit : non, rien du tout.
D’un point de vue tout à fait pratique, cela signifierait d’abord que tout le monde devrait travailler trente-cinq heures par semaine, du fonctionnaire au restaurateur, de l’agriculteur au petit patron : après tout, l’intégralité des salaires deviendraient fonctionnaires dans cette perspective. Dans ce principe, la masse salariale d’une entreprise ne serait jamais prise en compte et l’on pourrait embaucher…ah non, tout le monde deviendrait fonctionnaire.
Vers l’inéluctable effondrement
Tout d’abord, pourquoi 2 600 euros ? Parce que, au détail près que l’auteur du fil a confondu net et brut, c’est la somme de l’intégralité des salaires des actifs divisée par le nombre d’actifs. Simple, basique : selon Nicolas Framont, aucun choc économique négatif ne pourrait toucher l’économie française en ce cas.
Plus d’entreprise privée donc, mais aussi, plus aucune notion de mérite. Si cette dernière notion est galvaudée par la droite des affaires qui tente de justifier son héritage par le travail, imaginer l’absence totale d’un système basé sur le mérite signifierait nécessairement encourager à l’inactivité : si le fonctionnaire qui travaille est autant payé que le fonctionnaire fainéant, à quoi bon travailler ? À partir du moment où l’argent est certain d’arriver, à quoi bon effectuer une tâche productive ?
Alors, on pourrait imaginer un système dans lequel on force tout le monde à travailler vraiment. L’entreprise serait alors tout de même très poussée côté « capitalisme d’État » : il faudrait sanctionner chaque personne qui ne parvient pas à son objectif de production. De fait, la baisse de la production entraînerait inévitablement une baisse des salaires, et donc l’effondrement progressif du système. Évidemment, dans ce cas de surveillance généralisée sans perspective d’évolution aucune, l’émigration serait sans doute multipliée par dix, et la France ne tarderait pas à s’effondrer.
La négation totale de l’intérêt individuel, promue par Nicolas Framont, est sans conteste une expérience intellectuelle bourgeoise particulièrement intéressante. Pourtant, cet égalitarisme forcené ne correspond ni à la nature de l’homme, ni à celle de la société : toutes les abolir, c’est obtenir une société de robots égalitaires tous semblables et égaux en tous points. Heureusement, l’application des idées communistes au cours du siècle dernier nous aura donné une leçon : il faut absolument que tout le monde ait un salaire de 2 600 euros par mois.
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