Société
Roger Chudeau sur l’école : « Emmanuel Macron n’a rien fait depuis six ans ! »
Député RN et spécialiste de l’éducation, Roger Chudeau tire à boulets rouges sur le plan de refonte de l’école annoncé par Gabriel Attal. Entretien.
La France a connu une baisse historique dans le classement PISA qui mesure le niveau des élèves des pays de l’OCDE. Comment expliquez-vous ce plongeon, spécialement en maths et en français ?
La génération des élèves qui ont été testés par l’évaluation internationale PISA en 2023 peut hélas être baptisée « promotion Hollande ». Ces élèves sont en effet entrés dans le système éducatif en 2013 sous le mandat de M. Hollande, avec des ministres de l’Éducation nationale aussi brillants que Vincent Peillon, Najat Vallaud-Belkacem et Benoît Hamon….
L’effondrement des performances de nos élèves de quinze ans en français et en mathématique n’est que la traduction de la baisse du niveau scolaire, méthodiquement organisée par la gauche au nom d’une idéologie faussement égalitaire. En outre, les pédagogies mises en œuvre depuis des décennies sous l’inspiration de Philippe Meirieu notamment produisent évidemment tôt ou tard des effets désastreux. Enfin, la diminution constante des horaires d’enseignement du français et des mathématiques depuis plusieurs décennies finit par produire un effet imparable : nos élèves ne maîtrisent que faiblement la langue française, préalable à tout autre apprentissage. Tout cela résulte de décisions de politiques éducatives portées par la gauche et que la droite a entérinées.
Nos amis de Libération parlent d’inégalités socio-économiques, d’effet Covid et de manque de soutien des parents pour expliquer cette baisse. Ont-ils au moins partiellement raison ?
Libération, fidèle à sa politique du déni, cherche de mauvaises excuses au système éducatif et à ses enseignants. Les inégalités socio -économiques ont toujours existé et l’école de la République a précisément pour mission de les effacer par la qualité de son enseignement et sa capacité à accompagner les élèves qui éprouvent des difficultés. L’école est d’ailleurs organisée dans ce sens : pensez à l’éducation prioritaire, aux innombrables dispositifs de soutien ou de remédiation, aux programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE), etc. Quant au soutien supposé défaillant des parents, il n’est attesté par aucune étude sérieuse. Non, Libération cherche de manière étrangement commerciale à épargner son lectorat dont l’idéologie est très clairement à l’origine des dérives que connait l’Éducation nationale depuis des décennies. Il y a là comme l’expression inconsciente d’un sentiment de culpabilité.
Comme vous l’avez souligné dans votre intervention, la génération étudiée cette fois est le produit des quinquennats Hollande et Macron. Quelle responsabilité ont-ils dans la baisse du niveau ?
S’agissant de la responsabilité de François Hollande et de la gauche depuis la loi Jospin de juillet 1989 qui place « l’élève au centre du système éducatif » et qui a détruit la formation initiale des maîtres du premier degré en la confiant à l’Université (IUFM, INSPE d’aujourd’hui), elle est écrasante. Sous l’influence de sociologues de l’éducation nourrit aux théories de Bourdieu, les ministres de gauche ont systématiquement modifié les cursus, promu le collège unique, baissé le niveau d’exigence des programmes, décrété la fin des redoublements et des groupes de niveau, interdit les devoirs à la maison, etc. Tout cela a largement contribué au désastre d’aujourd’hui.
Quant à Emmanuel Macron, il n’a rien fait depuis six ans. Il a certes dédoublé des classes primaires dans les réseaux d’éducation prioritaire, ce qui produit évidemment quelques frémissements positifs en matière de résultats. Mais il s’en est tenu là au lieu de définir une politique susceptible de relever les défis scolaires, culturels et sociaux des 300 quartiers prioritaires de la ville. Ces mêmes quartiers qui « archipellisent » désormais notre pays ; qui sont conquis par l’islamisme, échappent complètement au contrôle de l’État et d’où partent désormais des « raids » meurtriers comme à Crépol récemment.
Pour le reste, Macron a laissé Blanquer détruire le baccalauréat au lieu de lui demander de redresser l’école primaire. Il aura aussi permis à Ndiaye de définir des priorités éducatives (éducation sexuelle, lutte contre toutes les pseudo-phobies, le développement durable, etc.) qui détournent les enseignements de l’essentiel. Résultats : 50 % des collégiens entrent en sixième sans savoir lire de manière fluide et 50 % des collégiens de 4ᵉ sont dans le même état après deux ans dans le secondaire. Aux Journées Défense et citoyenneté, on relève que 10 % des jeunes de 17 ans ne savent pas lire…
Gabriel Attal a annoncé une série de mesures fortes sur l’école. Groupes de niveaux, redoublements, brevet obligatoire… Ne sont-ce pas là des mesures que vous pourriez saluer ?
Les mesures de Gabriel Attal peuvent se classer en trois catégories : les bonnes, les partielles et les oubliées : les bonnes mesures sont à la ligne près celles qui sont contenues dans le programme présidentiel 2022 de Marine Le Pen (voir son livret en ligne « M l’école ») : groupes de niveau, redoublement, brevet des collèges transformé en examen de passage en seconde. Labellisation des manuels scolaires. J’ai donc félicité de Ministre pour sa capacité à se servir d’un photocopieur !
Les mesures partielles concernent le primaire : Attal évoque un « allègement » des programmes. Je ne crois pas que les programmes soient trop lourds, je pense qu’ils sont encombrés de sujets qui n’ont pas leur place à l’école primaire et que j’évoque plus haut. Le Ministre entend rénover l’enseignement des mathématiques : très bien, mais quid de la maîtrise de la langue française ? S’est-il interrogé un seul instant sur le niveau d’orthographe de nos jeunes ? Et que dire de l’enseignement de l’histoire de France et de sa géographie ? Tout cela est en lambeaux. Pourquoi ne pas avoir abordé le sujet ?
On peut considérer que la copie du ministre, produite en urgence pour contrebalancer l’effet des résultats PISA est largement improvisée et que ses lacunes traduisent cet état de fait. La grande oubliée, c’est la politique d’éducation prioritaire et la défense de la laïcité. Un ouvrage récent de Jean-Pierre Obin Les profs ont peur, montre qu’il n’est plus possible d’enseigner les programmes scolaires de nos jours. La pression qu’exercent les jeunes islamistes dans quasiment toutes les classes paralyse les professeurs qui sont traumatisés par les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard. Il s’agit là d’un phénomène général et non plus anecdotique comme il y a 20 ans lors du premier rapport de cet inspecteur général. De cette urgence-là, pas un mot chez Attal. Celui-ci considère probablement qu’avec l’interdiction du port des abayas, le problème de la laïcité à l’école est réglé…
Une cohorte de sociologues s’est réveillée pour s’opposer au retour du redoublement. Que répondez-vous à ces experts de la question ?
Les sociologues, experts en matière pédagogique… cette affirmation me paraît osée. Le redoublement n’est pas comme veut le croire Philippe Meirieu un acte de « pouvoir » dont le professeur serait investi pour en abuser. C’est une décision pédagogique mûrement réfléchie, établie sur la base des résultats et du comportement scolaire de l’élève et débattue au sein du conseil des professeurs et du conseil de classe. Le redoublement est un pis-aller. Il intervient comme décision ultime, après que toutes les mesures d’aide, de soutien, de remédiation ont été vaines. Il est alors bénéfique à l’élève car il lui permet de se ressaisir et de rattraper le niveau requis pour passer en classe supérieure. Le faire passer en classe supérieure automatiquement ou à « l’ancienneté » est profondément démagogique et abouti aux catastrophes d’aujourd’hui.
Quels sont les angles morts des annonces sur l’école de Gabriel Attal ?
Les angles morts des annonces de Gabriel Attal font penser à celles qui sont désormais indiquées sur les poids lourds et les bus : il y en a plus que d’angles de visibilité ! Rien sur les horaires scolaires hebdomadaires, rien sur la durée des journées, rien sur la durée de l’année scolaire. Rien sur la refonte des programmes du collège, rien sur le cycle terminal et le baccalauréat, rien sur Parcoursup, rien sur les réseaux d’éducation prioritaire, rien sur l’enseignement du français et de l’histoire-géographie, rien sur la formation professionnelle des professeurs. Rien sur les suppressions de classes en milieu rural, rien sur la réorganisation de structures de pilotage du système éducatif (30 rectorats et 15 régions académiques en plus…), Rien sur une véritable revalorisation des rémunérations des enseignants, rien sur la réforme des obligations de services des enseignants, rien sur le principe de laïcité et de neutralité de l’école de la République…
Bref, les annonces de Gabriel Attal sont manifestement des mesures partielles, improvisées, brouillonnes. Elles sont selon moi essentiellement destinées à occuper le terrain médiatique à la seule gloire du ministre. Celui-ci écrit là son propre récit tandis que l’immense vaisseau éducatif continue de dériver.
Entre Jean-Michel Blanquer, Pap Ndiaye et Gabriel Attal, on peut avoir du mal à trouver une continuité dans la vision de l’école chez Emmanuel Macron. Comment expliquez-vous cet apparent désintérêt pour la question ?
Tout cela est paradoxal et très… macronien : Le président de la République n’est pas avare de déclarations publiques sur l’école et la jeunesse, dont il affirme faire sa « priorité ». Il a même annoncé que la question éducative était à ses yeux « régalienne » et qu’il en faisait un « domaine réservé » du chef de l’État, à l’instar de la Défense nationale et des Affaires étrangères.
Fort bien, mais où est la vision stratégique pour notre système éducatif dans un contexte économique et géopolitique de forte concurrence voire de confrontation à venir ? On cherche en vain une philosophie de l’action éducatrice de l’État, un grand dessein, un élan réformateur. L’explication est plurifactorielle : Il y a le fait que la gauche qui compose une part non négligeable de la macronie ne veut en aucun cas tirer le bilan de l’entreprise de déconstruction de l’école qu’elle a menée depuis 1968. Il y a le poids politique des syndicats des personnels enseignants tous ancrés à gauche et qui forment une sorte de « front du refus » à toute réforme sérieuse. Il y a aussi probablement un certain mépris de caste chez les élites d’obédience macroniste : leurs propres enfants sont à l’abris des soubresauts du système éducatif dans des établissements publics ou privés de haut de gamme où n’entre pas qui veut, alors l’état de l’école…
Non, il n’y a rien de tangible à attendre de cette « majorité » de rencontre en matière de politique éducative. À la vérité, le seul mouvement politique qui s’intéresse à la question éducative est le RN et ceci pour une raison simple : nous sommes très conscients que l’avenir du pays, la survie de la Nation dépendent directement de la qualité de notre école. Nous reconstruirons cette cathédrale en ruine.
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