Union-Européenne
Pologne : la défaite du PiS met un coup d’arrêt à la poussée de la droite en Europe
La défaite du parti Droit et justice (PiS) et de son allié la Confédération lors des élections législatives polonaises du dimanche 15 octobre met un coup d’arrêt à la poussée de la droite en Europe, à quelques mois des prochaines élections européennes.
C’est à l’issue d’un combat de plusieurs mois que l’opposition pro-européenne, emmenée par le libéral Donald Tusk, a arraché la victoire lors d’élections qui ont suscité une participation record depuis les premières élections de l’après-communisme – 72 % contre 62 % en 1989.
La victoire de l’opposition pro-européenne
Le PiS, à la tête du pays depuis 2015, n’aura pas réussi son pari. Réunissant 212 sièges sur les 460 en jeu avec le parti la Confédération lors de ces élections, le PiS subit une défaite glaçante qui l’empêchera de réunir une majorité parlementaire : « que nous soyons au pouvoir ou dans l’opposition, (…) nous ne permettrons pas que la Pologne soit trahie » a déclaré ce dimanche Kaczynski, président du PiS.
C’est donc un pari réussi pour la coalition pro-européenne, composée de la Coalition citoyenne (KO) de Donald Tusk, les chrétiens-démocrates de Troisième Voie et la Gauche. Ces formations réuniraient 259 élus, plus que les 231 sièges nécessaires pour réunir la majorité absolue à la chambre du Parlement polonais, le Sejm.
Donald Tusk, ancien Premier Ministre polonais de 2007 à 2014, et ancien président du Conseil européen de 2014 à 2019, a su profiter de la défiance grandissante des Polonais envers le gouvernement conservateur. Accusé de dérive autoritaire après ses réformes controversées sur la justice, visant à modifier le fonctionnement de la Cour suprême polonaise, la Pologne avait entamé un bras de fer avec la Commission européenne, qui s’est soldé par le blocage de 35 milliards de subventions et des amendes d’un montant de plus de 550 millions d’euros.
C’est également le contrôle du PiS sur l’ensemble des médias publics qui a alimenté la défiance d’une partie de l’électorat polonais. Ce contrôle s’est notamment manifesté par plusieurs campagnes d’accusations proférées par la télévision d’Etat polonaise contre Donald Tusk, accusé à de nombreuses reprises d’être un agent de l’Union européenne et de Moscou. Ce dernier a dénoncé alors une « Orbanisation » du pays, en référence au dirigeant hongrois Viktor Orban, allié du PiS.
Une coalition qui devra composer avec un pays aux mains du PiS
Mais la victoire de la coalition emmenée par Donald Tusk ne met pas un terme à l’influence du PiS sur les institutions polonaises. Le président de la République, Andrzej Duda, issu du PiS, achèvera son second mandat à l’été 2025. Il dispose d’un droit de veto qu’il pourra utiliser quand il le souhaite, alors que les oppositions ne disposent pas de la majorité des deux tiers pour le contourner. De surcroît, Le Tribunal constitutionnel, aux mains du PiS depuis la réforme judiciaire de 2015, peut bloquer un grand nombre d’initiatives parlementaires par l’examen de la constitutionnalité des lois. Enfin, la coalition devra composer avec un « Etat profond » constitué par le PiS depuis 2015, au sein de la justice, des médias et des entreprises publiques.
Kasczinski, l’homme fort du pays, qui n’était d’ailleurs ni Président, ni Premier ministre, a construit un système puissant dans lequel le parti jouait un rôle plus important que l’Etat, comme le rappelle le journaliste polonais Andrzej Santkiewicz dans la revue le Grand Continent.
Le PiS continuera de surcroît à peser au Parlement, avec le groupe parlementaire le plus important de plus de 200 députés. L’opposition pro-européenne devra quant à elle composer avec des courants politiques différents, allant de la démocratie-chrétienne à la gauche progressiste et laïque.
Il reste donc tout à faire pour Donald Tusk, dont l’élection a été accueillie avec bienveillance par Bruxelles et les principales capitales européennes. S’il devrait être en mesure de débloquer les fonds suspendus par la Commission européenne, le leader européen devrait composer avec un pays contrôlé de facto par le PiS, où la politique migratoire menée par le gouvernement sortant rencontre un large consensus, et dans un contexte géopolitique de montée de la défiance des pays de l’Est de l’Europe envers les aides accordées à l’Ukraine, à l’image de l’élection de Robert Fico à la tête de la Slovaquie le 30 septembre dernier.
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