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Michel Rouhban : « S’il entre en guerre, le Liban ne s’en relèvera pas. »
Michel Rouhban, délégué des Français de l’étranger pour la circonscription du Liban et de la Syrie, a répondu à nos questions sur la situation militaire et politique entre Jérusalem et Beyrouth.
Comment la population libanaise apprécie l’idée d’ouvrir une nouvelle ligne de front contre Israël ?
Lorsque vous parlez de la population libanaise, il vous faut malheureusement faire une différence entre les populations. Une très grande partie de la population ne souhaite pas que le Liban prenne part à toute nouvelle guerre, ils sont inquiets, se préparent et se résignent au pire.
Mais il existe aussi une part non négligeable de la population qui soutient ouvertement la résistance palestinienne et qui voudrait voir le Hezbollah déclencher un nouveau front face à « l’ennemie héréditaire ».
Le Hezbollah a revendiqué des attaques contre Israël, un embrasement général de la région servirait-il les projets du Hezbollah et de l’Iran ?
Un embrasement général de la région pourrait être, pour le Hezbollah, une manière de renforcer son poids politique et militaire au Liban, dans la région et sur la scène internationale. Soyons clair, lorsque l’on parle du Hezbollah, il faut principalement parler d’Hassan Nasrallah, un des leaders les plus connus et les plus redoutés du Moyen-Orient. Depuis 30 ans qu’il est à la tête du « parti de Dieu », il a transformé une milice créée par l’Iran en une organisation hybride qui a une mainmise sur le pays du cèdre, agit comme acteur principal dans le trafic de drogue et se place comme un poids lourd sur le plan militaire et politique régional.
Le Hezbollah est aujourd’hui à la croisée des chemins. L’ouverture d’un nouveau front face à Israël peut tout aussi bien renforcer son aura à tous les niveaux ou le mettre, si Israël décide de mettre ses menaces à exécution, définitivement en péril.
Pouvez-vous nous faire un point sur la situation actuelle des Français au Liban ?
La communauté française au Liban est composée en grande partie de binationaux (80/20). Le consulat général de France recense à ce jour environ 22 000 français résidents. Comme le reste de la population, elle est suspendue aux bulletins d’information et est inquiète d’une future ouverture d’un front.
En ma qualité d’élu des Français de l’étranger, j’ai été invité à participer à une réunion de sécurité à la résidence des pins, chancellerie française. Elle faisait suite à l’escale, lundi 16 octobre 2023, au Liban de notre ministre des Affaires étrangères, Madame Catherine Colonna, qui était venue réaffirmer aux autorités libanaises le danger de voir le Liban impliquer dans un embrasement régional. Madame Colonna, arguant du fait que le pays étant déjà plongé dans une crise sociale, économique et politique des plus graves de son histoire, ne s’en relèverait pas. Elle a réaffirmé l’attachement du gouvernement aux français du Liban, et nous a indiqué qu’un grand nombre de dispositions avaient d’ores et déjà été prisent pour parer à toutes éventualités.
Au cours de cette réunion, un point complet des dispositions prises pour la communauté française a été présenté par monsieur l’ambassadeur entouré de plusieurs intervenants. Il nous a indiqué que le seuil de sécurité avait été relevé, que le plan de mise en sécurité de nos ressortissants était prêt à être déclenché si nécessaire et qu’il nous était demandé de communiquer sur la nécessité de rester prudent et d’éviter autant que possible de faire des déplacements inutiles.
Il a par ailleurs invité les Français qui souhaitaient venir au Liban à repousser leur voyage et à ceux qui le souhaiteraient, de partir dès à présent sans attendre et sans prendre le risque de voir l’aéroport fermer.
Comment pensez-vous que le conflit évoluera dans les prochains jours entre Beyrouth et Jérusalem ?
Nul ne sait à ce stade comment le conflit évoluera entre Israël et le Liban. Les institutions libanaises qui traversent une crise profonde, comme vous le savez : pas de président de la République, pas de gouvernement opérationnel, un chef de l’armée près de la retraite et des forces de sécurité intérieure exsangues, sans salaires et manquant de tout, ne sont pas en mesure de décider de l’avenir du pays.
La mainmise sur le pays effectuée par Hezbollah est telle, que le destin du pays du cèdre est suspendu aux lèvres d’Hassan Nasrallah qui ne s’est pas exprimé depuis le début de l’offensive du Hamas en Israël.
Pour vous faire comprendre la situation très tendue que nous traversons, je reprendrai simplement les mots de notre attaché militaire : « La situation est tendue au sud, nous sommes en équilibre sur un fil et le fil est tranchant. »
Tous les scénarios sont sur la table et ce qui est certain, c’est qu’au Liban tout peut changer en trente minutes et que le pire n’est jamais décevant.
À lire aussi : Israël : Le piège du Hamas
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