Politique
L’Aisne, un département au bord de la rupture budgétaire

Le dernier rapport de la Chambre régionale des comptes, qui examine la gestion du Département depuis 2019, est sans équivoque : la situation est alarmante. S’il salue la rigueur budgétaire mise en œuvre ces dernières années, notamment la réduction de la dette entre 2014 et 2022, il souligne surtout les limites du modèle de financement actuel des Départements. Ces derniers sont de plus en plus contraints, pris en étau entre une augmentation des dépenses sociales et des recettes insuffisantes. Dans ce contexte, l’Aisne se retrouve en première ligne. Sera-t-il le premier département à craquer sous le poids de cette mécanique infernale ?
« Depuis plus de 15 ans, l’État a transféré au Conseil départemental le versement des allocations de solidarité humaine (handicap, personnes dépendantes, Revenu de Solidarité Active), mais ne compense pas à 100 % le coût de ces allocations individuelles. En 2022, 94 millions d’euros d’aides versées par le Département n’ont ainsi pas été compensées. C’est une somme considérable. » — Nicolas Fricoteaux, président du Conseil départemental de l’Aisne.
”
Un modèle à bout de souffle
Dans l’Aisne, les dépenses sociales représentent une part écrasante du budget. Avec un taux de chômage de 10,7 %, un taux de pauvreté de 18 %, et un nombre de bénéficiaires du RSA et de l’AAH nettement supérieur à la moyenne nationale, le Département se retrouve en première ligne. Or, ces charges sont loin d’être totalement compensées par l’État, ce qui fragilise sa capacité à investir, notamment dans les routes, les collèges ou encore les aides aux communes rurales, nombreuses et souvent isolées.
2024 : une année de redressement d’urgence
L’année 2024 a été marquée par une alerte rouge : un budget primitif voté en déséquilibre, du jamais vu. In extremis, le Département est parvenu à redresser ses finances grâce à une série de mesures d’urgence, visant à éviter l’endettement, comme le gel de certaines subventions et une gestion particulièrement serrée. Résultat : un léger excédent de 1,2 million d’euros en fin d’année. Mais cette performance reste fragile, et le niveau très élevé d’exécution des dépenses (près de 99 % en fonctionnement) montre que la moindre variation pourrait tout faire basculer.
2025 : pas de recettes exceptionnelles, mais plus de dépenses
Le budget 2025, adopté à l’unanimité, est donc clairement placé sous le signe de la prudence. Et contrairement à 2024, le Département ne pourra compter sur aucune aide exceptionnelle. Pire : ses ressources diminuent, notamment à cause d’un nouveau mode de calcul de la TVA qui fait perdre 5,2 millions d’euros. Dans le même temps, certaines charges augmentent, comme la cotisation à la Caisse de retraite des agents publics (CNRACL), qui coûte 1,3 million de plus.
Dans ce contexte, les élus ont décidé de se recentrer sur les compétences obligatoires et prioritaires, en évitant de lancer de nouvelles actions non financées. C’est notamment le cas pour la revalorisation du RSA au 1er avril, que le Département ne financera pas lui-même : la CAF en assurera le versement.
Une incertitude qui plane sur l’avenir
Le président du Conseil départemental, Nicolas Fricoteaux, n’avait pas caché son inquiétude dès l’année dernière. Dans une lettre ouverte, il rappelait que le Département verse des prestations sociales pour le compte de l’État, sans en être entièrement remboursé. En 2022, le manque à gagner s’élevait à 94 millions d’euros.
Il avait alerté que, sans changement rapide du cadre financier national, 2025 serait peut-être la dernière année où le Département parviendrait à maintenir un semblant d’équilibre. "À partir de 2026, la situation pourrait devenir intenable, voire conduire à une mise sous tutelle préfectorale", avait-il écrit.

1 commentaire
vert10
Coût des MNA dans ce département ? Déjà l'état devrait arrêter le cirque des MNA et les renvoyer chez eux. Et faire les 140 milliards d'euros d'économies
Vous devez être connecté pour commenter.
Chargement